L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre Samedi 17 septembre, Guy Nzouba-Ndama a été intercepté par les douaniers à la frontière de Kabala dans le Haut-Ogooué alors qu’il revenait du Congo-Brazzaville. A l’arrière de son pick-up blanc, trois valises bourrées de cash. Montant : 1,19 milliard de francs CFA.
Aussitôt placé en garde à vue dans les locaux de la DGR à Franceville, l’ex-président de l’Assemblée nationale est en attente de son transfert, « pour les besoins de l’enquête », à Libreville. « Compte tenu des éléments contenus dans le dossier, une mise en examen pour a minima blanchiment de capitaux semble actée », indique une source proche du dossier. L’ex-président de l’Assemblée nationale serait alors jugé devant la Cour criminelle spéciale. Outre une très forte amende, correspondant à deux fois le montant saisi, soit 2,38 milliards de francs CFA, sans compter la saisi du véhicule, cet ex-baron du PDG risque jusqu’à un an de prison ferme.
En l’espèce, les enquêteurs soupçonnent le fait que cet argent était destiné au financement de son parti et de la pré-campagne électorale pour la présidentielle de 2023. Une « hypothèse » d’autant plus plausible que M. Nzouba-Ndama a fini par indiquer aux enquêteurs, après avoir multiplié́ les versions contradictoires, qu’il s’agissait d’un don du président du Congo, Denis Sassou-Nguesso, qui a toujours su se montrer généreux avec l’opposition gabonaise. Or, la loi gabonaise prohibe toute intrusion étrangère en la matière. Ce soupçon, « étayé́ par un faisceau d’indices en attendant des preuves tangibles » selon les propos d’un enquêteur, explique le fait que la DGR a été chargé de l’enquête.
Celui qui fut 19 ans durant président de l’Assemblée nationale sait qu’il est définitivement hors-jeu pour la présidentielle de 2023. Il sait également sans doute qu’à 76 ans, cette affaire marque la fin de sa longue carrière dans la politique qu’il quitte par la petite porte. « Il faut être lucide », confie, dépité́, un député Démocrates qui craint que le parti « ne puisse pas s’en relever ».
Désormais, une question revient de manière lancinante dans le microcosme politique gabonais qui bruisse, plus qu’à l’accoutumé, de rumeurs : à qui profite le crime ? Autrement dit, qui est le plus susceptible de tirer profit de cette situation ? Si du côté du PDG, la mise hors-course d’un opposant n’est pas pour déplaire, c’est en réalité́ davantage du côté de l’opposition que l’on se réjouit le plus des mésaventures de « Guy ».
« Cela peut paraitre contrintuitif, paradoxal même », avance un professeur en science politique de l’UOB. « Mais, à l’analyse, pas tant que ça. L’objectif premier des différentes personnalités de l’opposition, que ce soit Jean Ping, Alexandre Barro Chambrier, Paulette Missambo, Paul-Marie Gondjout ou d’autres, c’est d’abord de s’imposer dans leur propre camp. Or, de ce point de vue, la mésaventure de Guy Nzouba-Ndama est pour eux une ‘bonne mauvaise nouvelle’ dans le sens où un de leurs concurrents est sorti du jeu », analyse ce politologue.
Mais, pour cet ancien ministre sous Omar Bongo Ondimba, il y a un autre motif pour l’opposition de se réjouir. « Brazzaville a toujours été une destination privilégiée pour l’opposition à la veille des échéances électorales. Depuis plus de 15 ans, la capitale du Congo est la source principale de financement de ses activités. S’il y a moins de personnes à venir tendre la sébile, cela fait mathématiquement plus d’argent pour les autres. C’est aussi simple que cela », explique, l’œil toujours pétillant, ce « retraité de la politique » comme il se qualifie lui-même.
Mais une autre question, tout autant que la précédente, anime ces dernières heures le microcosme politique librevillois. Au sein des Démocrates, on en est convaincu, l’interpellation de Guy Nzouba- Ndama à la frontière samedi dernier n’est pas « le fruit du hasard », explique l’un des responsables du parti. « Quelqu’un a vendu la mèche. Et ce quelqu’un est probablement l’un des nôtres », ajoute-t-il avant de clarifier son propos : « Par là, je ne sous-entends pas qu’il s’agit de quelqu’un au sein des Démocrates, mais de quelqu’un dans l’opposition », confie un responsable du parti, très proche de M. Nzouba-Ndama. S’il se refuse pour l’heure de donner un nom, celui-ci dit avoir une « intime conviction ». « Je me refuse de parler », prévient-il. « Pour le moment ».